COURTANVAUX (Charles F. César Le Tellier, marquis de)

( Paris 1718 - Paris 07.07.1781)

JOURNAL DU VOYAGE DE M. LE MARQUIS DE COURTANVAUX, sur la Frégate l'Aurore, pour essayer par ordre de l'Académie, plusieurs instrumens relatifs à la Longitude. Mis en ordre par M. Pingré, Chanoine régulier de Ste-Geneviève, nommé par l'Académie pour coopérer à la vérification desdits instrumens, de concert avec M. Messier, Astronome de la Marine. A Paris, de l'Imprimerie Royale, 1768, in-4°, veau, dos lisse, orné, pièce de titre verte, tranches rouges, armes de la bibliothèque du château de Cheverny sur les plats et le bas du dos.

1 f.n.ch. (Titre), VIII pp. (Préface et Table des chapitres), 316 pp., 2 ff.n.ch. (Explication de la troisième planche, Avis au relieur et Fautes à corriger), un frontispice représentant « l'Aurore », 5 planches dépliantes dont une carte.

La planche frontispice représentant la frégate « l’Aurore » (en réalité une corvette légère) est dessinée d'après nature par Nicolas OZANNE et gravée par Elisabeth HAUSSARD. Les quatre planches doubles sont également dessinées par Nicolas Ozanne et gravées par Elisabeth et Caroline Haussard. La carte, dessinée par MESSIER, est gravée par AUVRAY.

Référence Polak:     2098

Le prix de l'Académie Royale des Sciences de 1767 avait pour sujet: « La meilleure manière de mesurer le temps en mer ». Pierre Le Roy soumit à cette occasion sa montre N° 1 ou « A » (ancienne) dès le 5 août 1766 avec celles de Romilly et de Tavernier (Ferdinand Berthoud n'était pas prêt et n'avait donc pas pu concourir à ce prix). Mais avant de se prononcer, l'Académie décida de faire éprouver ces montres en mer et donc de reporter le prix à 1769 en doublant sa mise. Alors que l'Académie hésitait à solliciter du Roi l'armement d'un navire pour éprouver les montres en mer, Courtanvaux leva toutes les difficultés en proposant de se charger des frais de l'expédition. A cet effet, il fit donc construire par Nicolas-Marie Ozanne la corvette « Aurore », lancée au Havre au printemps 1767.

A la suite d'avatars survenus à Ramilly et Tavernier, Pierre Le Roy fut le seul restant en lice à concourir pour le prix et à embarquer sur « l'Aurore » qui quitta Le Havre le 25 mai 1767 avec Dom Alexandre Pingré (véritable auteur de ce livre), chargé par l'Académie de contrôler les épreuves soumises au montres de Le Roy. Courtanvaux traita ses hôtes en grand seigneur durant ce voyage autant touristique que scientifique qui amena les participants à Calais, Dunkerque, Rotterdam, Amsterdam, Boulogne et Le Havre où s'acheva le voyage le 27 août. Sur les 94 jours de la campagne, 15 seulement furent passés en mer. Les résultats de cette expédition qui fut la première en France pour éprouver des montres en mer, ne furent pas déterminants pour entraîner la conviction de l'Académie, on s'accordait à penser que l'essai avait été de trop courte durée pour être probant. Cependant, le comportement des montres de Le Roy montrait qu'elles valaient un sérieux examen et laissait bien augurer de l'avenir. Pour diverses raisons l'Académie ne s'en remit pas à Courtanvaux pour un nouveau voyage et celui-ci dut abandonner son projet d'expédition à la Corogne.

La coûteuse croisière de « l’Aurore » n'avait cependant pas été inutile, on savait désormais que la France pouvait rivaliser avec l'Angleterre dans la détermination des longitudes par les horloges. Il fallait néanmoins faire encore des progrès et entreprendre d'autres voyages d'épreuves mais avec des moyens plus considérables.

(Réf: Jean Le Bot, « Les chronomètres de Marine français au XVIIl e siècle » , Grenoble, 1983, in-4°).

Dom Alexandre-Guy PINGRE (Paris , 4 septembre 1711 - Paris, 1er mai 1796) était dans les Ordres génovéfain de Senlis. Il commença par être professeur de théologie mais ayant été persécuté lors des querelles du Jansénisme, il dut abandonner son enseignement. Il était alors âgé de 38 ans; un de ses amis de Rouen, membre de l'Académie de cette ville, fit de lui un astronome. Il S'illustra dans cette nouvelle voie en composant un Almanach Nautique et surtout en publiant en 1783 sa « Cométographie ou traité historique et théorique des comètes » où il consignait toutes les observations de comètes depuis l'antiquité jusqu'à son époque. Il devint Correspondant de l'Académie des sciences en mai 1753, associé libre en 1756, et membre de l'Académie de Marine en 1769 au titre d'astronome géographe de la Marine.

Pingré voyagea beaucoup. En 1761, le malouin Marion-Dufresne fut chargé de le conduire à l',île Rodrigue dans l'Océan Indien pour observer le passage de Vénus sur le soleil. Il fut aussi délégué par l'Académie des Sciences pour contrôler les épreuves des montres marines et à ce titre, participa à trois voyages: celui de « l'Aurore » en 1767, de « l'Isis » en 1768 avec Fleurieu, et de la « Flore » en 1771-1772 avec Verdun de la Crenne et Borda. Ce fut lui, en collaboration avec Messier, qui publia ce « Journal du voyage de Courtanvaux ».

Pingré termina sa carrière comme bibliothécaire de l'Abbaye Sainte-Geneviève en haut de laquelle l'Académie des Sciences lui avait fait bâtir un petit observatoire.

Vers 1768, le Marquis de Courtanvaux avait offert une maquette de « l'Aurore » à la Bibliothèque de l'Abbaye Sainte-Geneviève où l'on peut toujours l'admirer.

Charles MESSIER (Badonviller 1730 - Paris 1817) fut d'abord dessinateur de l'astronome Delisle puis observateur, il se livra avec passion à la recherche des comètes: Louis XV l'appelait « le furet des comètes ». Ce faisant, il découvrit aussi nombres de nébuleuses. En 1771, il publia un catalogue, resté célèbre, qui décrivait trois cents objets galactiques ou extragalactiques, qu'on désigne toujours par le lettre « M », suivie du numéro d'ordre dans le catalogue de Messier. Il fut membre de l'Académie des Sciences en 1770.

Charles François César Le Tellier de Louvois, Duc de Doudeauville, Marquis de Courtanvaux et de Montmirail, etc..., arrière petit fils de Louvois, fit en 1733 sa première campagne à l'âge de 15 ans, comme aide de camp du maréchal de Noailles, son oncle. Nommé colonel en 1740, il servit en Bohème et en Bavière, mais en 1745, sa santé l'obligea à quitter le service des armées pour ne garder que la charge de Capitaine-colonel des Cent Suisses de la garde ordinaire du Roi qui lui avait été attribuée, alors qu'il était enfant, à la mort de son grand père. Il put alors se consacrer, ou plus exactement consacrer sa grande fortune à des travaux scientifiques. Il n'était pas à proprement parlé un homme de science, mais un grand seigneur éclairé passionné d'astronomie, de géographie, de physique, de mécanique à qui l'Académie des Sciences avait ouvert ses portes en 1764. Après la campagne de « l'Aurore », Courtanvaux se retira dans l'Observatoire qu'il s'était fait construire dans sa propriété de Colombes près de Paris. Le Roy et Messier continuèrent paraît-il quelques temps à l'assister dans des travaux d'étude des chronomètres.

(Réf: Jean Le Bot, « Les chronomètres de marine français au XVIIIe siècle », Grenoble, 1983, in-4°).