(Lyon 02.07.1738 - Paris 18.08.1810)
VOYAGE FAIT PAR ORDRE DU ROI EN 1768 ET 1769, à différentes parties du monde, Pour éprouver en mer les Horloges marines inventées par M. Ferdinand Berthoud. Publié par ordre du Roi. A Paris, de l'Imprimerie Royale. 1773. 2 vol. in-4°, demi-veau, papier marbré sur les plats, dos lisse, orné, tranches marbrées. Reliure du début du XIXe siècle.
Vol. l : Contenant:
1°. Le Journal des Horloges marines, ou la suite de quatorze vérifications servant à apprécier la régularité de ces machines sous différens points de vue, relativement aux divers usages auxquels on peut les employer.
2°. Le Journal de la navigation, dans lequel sont exposés tous les secours que les Horloges ont fournis pour assurer la Navigation & perfectionner la Géographie: d'où suit un examen critique de plusieurs Cartes publiées au Dépôt des plans & journaux de la Marine; avec une Carte générale de l'Océan Occidental, & des Cartes particulières des îles Canaries, du Cap-vert & des Açores, dressées sur de nouvelles observations.
2 ff.n.ch. (Titre; Avertissement; Avis au Relieur; Extrait des registres de l'Académie Royale de Marine), LXXIX pp. (Introduction; Etat-major de la frégate du Roi l'Isis, Armée au Port de Rochefort, dans le mois de Novembre de l'année 1768; Procès-verbal de la forme à laquelle Mrs. de Fleurieu & Pingré ont assujetti toutes les Opérations relatives à l'Epreuve des Horloges Marines de M. Ferdinand Berthoud, faite par ordre du Roi, en 1768 & 1769; à l'effet de constater l'authenticité desdites opérations), 803 pp. et 5 planches dépliantes hors texte.
Vol. II: Contenant:
1°. Le Recueil des Observations astronomiques faites dans le cours de l'Epreuve, tant à la mer qu'à terre; leurs résultats, & plusieurs Tables générales relatives à ce travail.
2°. Un Appendice, dans lequel sont renfermées diverses instructions sur la manière d'employer les Horloges Marines à la détermination des Longitudes; auxquelles on a joint tous les modèles de Calculs; quelques Méthodes pour trouver la Latitude en mer; avec un recueil de Tables usuelles.
2 ff.n.ch. (Titre; Avertissement), XL pp. (Table des matières; Corrections et Additions), 622 pp., 1 planche dépliante hors texte et 5 tableaux dépliants hors texte numérotés l, II, II bis, III, IV.
Vignette Ex libris « Général R. Vaudable » à l'intérieur des premiers plats (voir sa biographie plus bas, dans les commentaires).
La vignette des pages de titre est signée « L. LUCE, inven. et sculpsit ». Les 4 premières planches du vol. l ont été dessinées par « De FL.. », les 5 planches du vol. l et la planche du vol. II ont été gravées par « PETIS ».
Cet ouvrage est disponible à la consultation et au téléchargement en ligne depuis cette page.
Référence Polak: 1750
Fleurieu avait dès le début de 1767 adressé au Ministre de la Marine Praslin plusieurs mémoires résumant ses idées sur la navigation, les horloges marines etc... et. surtout pour solliciter le commandement d'un voyage d'épreuve dont il donnait les grandes lignes: une barque y eut suffi, par exemple « l'Hirondelle » de Toulon, disait Fleurieu, tout en suggérant qu'une corvette serait préférable. Praslin, entre temps, avait obtenu du Roi les ordres nécessaires pour faire procéder à l'essai à la mer des horloges de Ferdinand Berthoud (voir cet. auteur). Cette fois, il ne s'agissait pas des épreuves à un concours (comme ce fut la cas avec « l’Aurore » en 1767 -voir Courtanvaux- et. avec « l’Enjoué » en 1768) ouvert aux meilleurs artistes du temps mais d'une campagne, entrant dans les attributions normales de la Marine, destinée à vérifier, sous le contrôle de l'Académie, le fonctionnement des horloges marines appartenant au Roi. La corvette « l'Ambition », achetée au commerce, et disponible à Rochefort avait été d'abord retenue pour cette mission, toutefois le ministre hésitait à en confier le commandement à Fleurieu, alors jeune enseigne de 30 ans, il lui eut préféré M. de Charnières, lieutenant de vaisseau, officier éclairé, inventeur du mégamètre. Fleurieu en fit un beau tapage: son « honneur était lésé » et plutôt que de « servir de marchepied » à la gloire d'un autre, il préférait demander son « congé absolu ». Tout s' arrangea cependant et même au delà des espérances de Fleurieu car il obtint en outre que l'on substituât à la corvette « l'Ambition » jugée trop petite, la frégate « l'Isis » également disponible à Rochefort. Ce bâtiment était une frégate légère, dite de 3e ordre, qui ne portait que 20 canons de 8, construite à Indret en 1763, ses dimensions étaient: longueur 35 mètres, largeur 9 mètres, tirant d'eau environ 4,5 mètres. Son équipage normal était de 90 hommes mais pour le voyage d'épreuves Fleurieu dût se contenter d'un équipage de corvette soit une soixantaine d'hommes, ceci lui permit d' embarquer 8 ou 9 mois de vivres au lieu de 6; l'état major par contre était important: 4 enseignes de Vaisseau et gardes de la Marine, tous de jeunes officiers instruits qui prirent une part active à la partie scientifique du voyage; l'expédition comprenait en outre un aumônier, un chirurgien major, un écrivain et le délégué de l'Académie, le chanoine Pingré qui avait déjà fait la campagne de « l’Aurore ». Ferdinand Berthoud ne participa pas à ce voyage.
Les montres N° 6 et 8 de Berthoud furent embarquées à bord le 8 décembre 1768. « Nous fimes placer, dit Fleurieu » l'horloge N° 8 sur une civière, parce que M. Berthoud nous avait prévenus que les principes de la construction de cette horloge, qui devaient la rendre plus parfaite que la N° 6, la rendaient aussi plus susceptible d'être dérangée par des secousses brusques. L'horloge N° 6 fut portée à la main par les poignées de sa caisse depuis la maison de M. Le Moyne (commissaire général de la Marine) jusqu'au ponton de la machine à mâter où nous étions attendus par la chaloupe; M. Pingré, M. de Saint-Michel et moi-même les accompagnâmes, les matelots qui les portaient moins fatigués du poids que par l'attention qui exigeait de leur part le danger de faux pas sur un pavé gras et glissant furent contraints dans le trajet de poser plusieurs fois les horloges à terre. . . ».
Le programme du voyage de « l'Isis » différait des précédentes expéditions: Fleurieu n'avait pas hésité à situer le départ en plein hiver, ce qui laissait prévoir le retour à peu près à la même saison, le but en était de soumettre les horloges aux conditions du gros temps. L'itinéraire devait comporter deux traversées de l'Atlantique: l'une au niveau du 15° parallèle, l'autre par Terre-Neuve et l'Atlantique Nord pour éprouver les horloges dans les climats les plus variés, enfin, comme il n'était pas prévu de faire beaucoup de déterminations astronomiques Fleurieu avait eu l'excellente idée de passer deux fois dans les même lieux ce qui éliminait l'erreur due à des longitudes défectueuses.
« L'Isis » quitta Rochefort le 9 décembre 1768, escala à Cadix le 24 février 1769 après avoir passé 2 mois à l'île d'Aix, en repartit le 3 mars pour les Canaries, l'île de Gorée (5 au 9 avril), les îles du Cap Vert, la Martinique, Saint Domingue, Cap Français (23 mai), les grands bancs de Terre Neuve, les Açores (23 juillet), les Canaries, Cadix (15 septembre au 13 octobre) pour enfin revenir à Rochefort le 15 novembre 1769. Les horloges furent transportées à terre et le 18 la frégate fut désarmée et remise au Roi.
La campagne avait duré onze mois et dix jours dont un peu plus de cinq mois furent passés à la mer; incontestablement les horloges de Berthoud furent soumises à une épreuve encore plus longue et plus dure que celle qu'avaient subie les montres de Le Roy lors du voyage de « l'Enjouée ».
les résultats du comportement des montres de Berthoud durant le voyage passèrent à l'époque pour exceptionnels et de fait les chiffres bruts l'étaient, Fleurieu toutefois en les donnant pour définitifs prouve son manque de maturité scientifique et son enthousiasme un peu naïf pour la cause de la nouvelle navigation. Son résultat final est une remarquable démonstration des compensations d'erreur et s'il n'eut pas été servi par la chance qui ne manqua pas de lui sourire dans ce voyage, ses résultats eussent pu être tout autres. Après 127 jours de voyage, Fleurieu détermina en effet sa position, à Gorée, avec 20' de différence par rapport à la position indiquée sur sa carte, ce qui donne seulement 1’ d'écart (1.852 mètres) sur la position admise actuellement. Après 287 jours de voyages, Fleurieu obtenait 45' d'erreur sur la longitude pour l'horloge N° 8 et 109' pour la N° 6, ce qui était un exploit.
Les conclusions officielles du voyage sont dues à Borda (voir cet auteur) qui avait été chargé par l'Académie d' examiner les premiers compte rendus de Fleurieu et de Pingré. Le mémoire qu'il lut à l'Académie le 21 février 1770 est un modèle de précision et de logique, le sentiment n'y a aucune part comme ce fut souvent le cas dans les écrits de Fleurieu qui n'hésitait pas à écrire en effet que le mérite de Berthoud « était au dessus de tout éloge comme au dessus de l'envie ». D'après Borda, les horloges N° 6 et 8 atteignaient assez justes les normes fixées par l'acte de 1714 du parlement britannique (précision de 30' à 1 ° sur les longitudes après 45 jours de voyage) (voir « Les prix de l'Académie Royale des Sciences »). Borda atténue cependant son jugement en affirmant « que les horloges de Berthoud peuvent être très utiles à la mer » et « que le voyage de « l'Isis » en fournit de multiples preuves »; il ajoute encore « on se priverait peut-être, par une idée de perfection mal entendue d'instruments propres à donner la longitude dans les voyages ordinaires » et enfin « que ne doit-on pas attendre d'un art qui débute de façon aussi brillante ».
A la suite de la campagne de « l’Isis », le Roi accorda à Berthoud des appointements annuels de 3.000 livres et le privilège exclusif de la fourniture des horloges marines aux vaisseaux du Roi, avec le titre d'inspecteur des horloges marines.
A son retour de campagne, Fleurieu entreprit la rédaction de cet ouvrage qui devait lui demander près de trois années de travail; il eut d' ailleurs de la peine à le faire imprimer, le Ministre de la Marine de l'époque, Bourgeois de Boynes trouvant la facture trop élevée car il revenait à 9 livres l'exemplaire; finalement toutefois l'ouvrage put sortir des presses de l'imprimerie royale.
Le « Journal de la navigation » (partie du vol. 1) comporte plusieurs centaines de pages d'instructions nautiques, de discussions géographiques, de corrections de cartes. Tout ce travail qui n'était pas en rapport direct avec la vérification des horloges marines contribua cependant beaucoup à les faire connaître et fut une incitation très forte à la reprise d'opérations de cartographie sur des bases nouvelles.
Les horloges "6" et "8" de Berthoud sont visibles au Musée du Conservatoire National des Arts et Métiers.
Voir aussi les auteurs: Berthoud (qui donne notamment une description très détaillée de son horloge préférée, la N° 8), Courtanvaux, Verdun de la Crenne pour un aperçu sur l'historique des horloges marines.
(Réf: J. Le Bot, « Les chronomètres de marine français au XVIIIe siècle » , Grenoble, 1983, in-4°)
Le Général Raoul Vaudable est né le 28 juillet 1914 à Béziers. Il partagea sa jeunesse entre Bonn et Bizerte puis fut reçu en 1935 à l'École Polytechnique. Après une brillante campagne qui lui valut sa première citation à l'Ordre de l'Armée, il fut fait prisonnier et ne rentra en France qu'en avril 1945. Volontaire pour l'Indochine, il y fit deux séjours comme Officier de Batterie puis comme Officier d'État Major, au Tonkin, comme en Cochinchine. Il y fut cité quatre fois. Après un stage à l 'École Supérieure de Guerre, il fut affecté à Madagascar en 1956 puis prit le commandement du 303e groupe d'Artillerie de Marine, première unité nucléaire de l'armée française en 1960. De 1964 à 1966, il fut commandant en second de l'École Polytechnique. Commandant d'Artillerie de la 4e division, puis directeur de l'École d'État-major, commandant, enfin, la 43e division militaire de Limoges, le Général Vaudable quitta le service actif le 28 juillet 1972. Il décéda le 10 septembre 1991. Il était Grand Officier de l'Ordre National de la Légion d'Honneur, titulaire de la Croix de Guerre et des TOE. Sa bibliothèque de livres de voyages fut dispersée à l'Hôtel Drouot, le mercredi 31 mars 1993.
Né à Lyon en 1738, Fleurieu entra aux gardes aux gardes de la marine en décembre 1755 et servit sur le « Lion » l'année suivante à la bataille de Port Mahon puis en croisières d'escortes en Méditerranée. Enseigne de vaisseau en mars 1762, il s'intéressa l'année suivante aux questions scientifiques, en particulier à la construction des vaisseaux et aux horloges marines pour lesquelles il présenta en 1765 à l'Académie des Sciences un projet d'horloge marine qu'il ne mit pas à exécution. On raconte que Fleurieu aurait fait un stage d'un an chez Berthoud en 1766, de cette période date en tout cas son amitié pour ce dernier auquel il ne ménagea pas par la suite sa protection. Il reçut en 1768 le commandement de « l'Isis » chargée d'expérimenter les nouvelles horloges de Berthoud et fit à cette fin le tour de l'Atlantique. Lieutenant de vaisseau en octobre 1773, il publia le récit de son voyage et fut nommé en février 1775 inspecteur adjoint du Dépôt des cartes et plans. Capitaine de vaisseau en septembre 1776, membre de l'Académie de marine la même année, il fut nommé en novembre directeur des ports et arsenaux de la Marine. Dans ce poste clé, il eut la charge de préparer les plans d'opérations pour les campagnes de la guerre d'Amérique. Il est également l'auteur des instructions remises à Lapérouse et à d'Entrecasteaux pour leurs voyages d'exploration. Ministre de la Marine en octobre 1790, poste dont il démissionna en mai 1791, gouverneur du Dauphin en avril 1792, il fut arrêté pendant la Terreur et libéré le 9 thermidor. Elu au Conseil des Anciens en germinal an V, il fut exclu lors du coup d'État du 18 fructidor. Membre de l'Institut national et du bureau des longitudes, conseiller d'État en 1800, sénateur en 1805, intendant général de la maison de l'Empereur et gouverneur des Tuileries, il mourut à Paris le 18 août 1810.
Voir aussi à l'ouvrage de Le Mare: « Nouvelle méthode... » pour un bref historique de la bibliothèque de Fleurieu.
(Réf: E. Taillemite, « Dictionnaire des marins français », Paris, 1982, in-4°; J. Le Bot, « Les chronomètres de marine français au XVIIIe siècle », Grenoble, 1983, in-4°).