PROCEDURES AVANT JUGEMENT
Si depuis
1748 l'amiral
a perdu son droit du 1/10 sur les prises, il n'en conserve pas moins
son droit de Juger celles-ci.
Déclaration que doit faire le capitaine à l’amirauté
Cette déclaration, quelle soit faite par le capitaine corsaire
ou par le chef de la prise (quand la prise a été amenée par un des officiers du
navire preneur) est obligatoire dés l'arrivée au port. Elle consiste à remettre
à l'amirauté les papiers trouvés sur la prise et à déclarer tous les détails
concernant le lieu, la date et la façon exacte dont a été effectué la prise, si
le capitaine pris a suivi les lois, etc... La manière et la forme de ce rapport
avaient déjà été prescrites par l'arrêt du
31.07.1666
et le règlement du 06.06.1672, le tout confirmé par l'arrêt
du 27.01.1674.
L'instruction du 16.08.1692 précise d'autre part
que si la prise est amenée dans un port différent de celui où le preneur a été
armé en course, le corsaire doit présenter en plus sa commission en guerre et
si le vaisseau preneur est un vaisseau du Roi armé par des particuliers, une
copie du traité concernant la cession du vaisseau. Enfin, si le preneur est un
vaisseau du Roi armé par le Roi, son capitaine doit néanmoins faire son rapport
à l'amirauté. Ce dernier point est tout à fait nouveau car par ordonnances des
23.02.1674,
04.03.1684,
15.04.1689
et l'instruction du 16.08.1692, il était dit que seuls
les intendants et commissaires généraux de la marine étaient habilités à
entamer les procédures concernant les prises faites par les vaisseaux du Roi
armés par le Roi à la condition que ces vaisseaux aient été en escadre de
4 unités ou plus. Le règlement du
09.03.1695,
confirmé par ceux des 12.05.1702,
12.02.1719,
02.11.1733
et 13.04.1744
annulent cette disposition et rend l'amirauté seule capable de traiter les
prises.
L'instruction (ou règlement) du
16.08.1692
ajoute que le rapport doit faire mention de tous les événements survenus au
preneur et à la prise en cours du voyage. La lettre du
11.07.1708
rappelle d'autre part qu'il est interdit au corsaire de jeter à la mer des
papiers de la prise mais qu'il doivent tous être remis à l'amirauté si la prise
est un navire allié, neutre ou français. Quand la prise est un ennemi, la
lettre du 04.09.1744
stipule que les papiers doivent être envoyés au ministre de la marine via
l'amirauté, ceci dans le but de découvrir quelques plans ou projets de guerre
de nos adversaires.
L'ensemble du rapport ainsi remis paraphé par le corsaire et
l'amirauté puis enregistré par le juge, est déposé au greffe en présence du
procureur du Roi (règlement du 16.08.1692). En cas de
rançonnement, le corsaire doit aussi déposer un rapport avec le billet de
rançon et doit déclarer ce qu'il a fait de son otage en vue de l'interroger et
de lui faire reconnaître le billet de rançon. Si la remise du rapport se fait
personnellement par le capitaine corsaire ou le chef de la prise dans le cas d'un
armement privé, il n'en n’est pas de même pour les capitaines des vaisseaux du Roi
qui, quoique soumis à la même obligation, ne le font que très rarement. Il est
vrai qu'un Duguay-Trouin avait autre chose à faire qu'à déposer un rapport à
l'amirauté à chaque fois qu'il fait une prise et il a donc été admis une
certaine complaisance à l'égard des serviteurs du Roi. Il s'en suivi pourtant de
graves complications dans la procédure des jugements des prises si bien qu'il a
fallu l'ordonnance du 03.01.1760 pour rappeler à tous
les capitaines preneurs sans exception, qu'ils avaient a faire leurs
déclarations eux même dans les 24
heures après leur arrivée sous peine de perdre leur part du butin.
En ce qui concerne les prisonniers, toutes les lois depuis
1400
ordonnaient qu'ils devaient être remis à l'amiral. L'ordonnance d'août 1681 demandait à ce qu'ils soient
remis à l'amirauté, chose qui fut annulée par les ordonnances des
07.11.1703
et 14.03.1705
puisque alors, les prisonniers devaient être remis à l'intendant ou commissaire
de marine s’il ne s'agissait pas d'un port de guerre et au commandant de port s’il
s'agissait d'une place de guerre.
Rôle des officiers de l’amirauté
Ce qui est prescrit par l'ordonnance d'août 1681 n'est que la confirmation de
ce qui avait été établi par l'arrêt du 31.07.1666 et le règlement du
06.06.1672
à savoir que dès l'arrivée d'une prise dans un port ou dans une rade du
royaume, et sans attendre que le capitaine ne remette son rapport, les
officiers de l'amirauté doivent monter à bord, dresser une liste des effets qui
constituent la prise, mettre des scellés sur toutes les écoutilles, armoires,
coffres… et établir sur la prise un rôle de garde afin d'éviter le pillage.
La procédure classique est la suivante :
Le lieutenant de l'amirauté, le procureur du Roi un greffier
et un huissier montent à bord de la prise, inspectent l'état de la marchandise,
font l'inventaire des coffres et armoires de l'équipage pris, des apparaux et agrès...
et posent les scellés de l 'amiral. Tout le détail de la procédure à suivre
étant précisé par l'ordonnance d'août
1681 et
les instructions des 06.06.1672 et
16.08.1692.
A bord de la prise, montent également
2 commis des fermes du Roi qui y resteront tant que le
navire ne sera pas déchargé. Ces hommes s'imaginaient qu'ils pouvaient jouer le
rôle de gardiens et qu'ils pouvaient mettre eux même les scellés et ils
obtenaient même un arrêt du 05.03.1697 qui les confortait dans
cette idée. Sur les plaintes de l'amirauté de Brest et de l'amiral, un arrêt du
02.07.1697
cassait le précèdent et rendait à l'amirauté son droit de poser les scellés.
Les commis devaient donc se contenter d'assister à l'apposition des sceaux mais
conservaient tout de même un droit établi par l'arrêt du
05.03.1697
qui disait que les effets déchargés des prises seront transportés dans un
magasin fermé sous 3 clés
différentes dont l'une ira à l'amirauté, l'autre à l'inspecteur des
manufactures ou à l'armateur et la troisième à un commis des fermes du Roi.
Cela fut confirmé par l'arrêt du 07.08.1744 mais fut modifié par
celui du 15.03.1757.
Ce dernier disant que 2 clés
suffiraient (1 au commis,
1 à l'amirauté).
Le procès verbal qui fait obligatoirement suite à toute
visite de prise doit être signé par le capitaine de la prise ou à défaut,
2 de ses officiers ou matelots. Il en est de
même pour le capitaine corsaire et son armateur s’ils sont présents. L'arrêt et
règlement du 07.08.1744 et l'arrêt du
15.03.1757
obligent même le chef des commis des fermes du Roi à signer également le procès
verbal.
Si la prise n'est là que pour relâche, la procédure décrite
reste valable mais comme on l'a vu précédemment, l'amirauté ne peut en aucun
cas empêcher un corsaire de repartir avec sa prise.
Interrogatoire du capitaine de la prise et de ses gens
Pour qu'une prise soit déclarée bonne, il faut obtenir la
preuve par l'aveu du capitaine de la prise et de ses gens qu'elle a été
effectuée normalement, selon les lois de la guerre. C'est une règle qui a
toujours été en vigueur depuis 1400 et elle a pour but non
seulement d'assurer la légitimité de la prise, mais aussi de contrôler que le
preneur a agit correctement. Plusieurs règlements dont l'instruction du
16.08.1692
ont donné avec précision la liste des questions qu'il fallaient poser. La
plupart d'entre elles sont superflues et les seuls renseignements utiles à
savoir sont:
q
Les noms et la nationalité des propriétaires du
navire et des marchandises.
q
Le nombre d'hommes d'équipage (en vue de payer
les primes).
q
L'inventaire des armes et canons du bord (en vue
de payer les primes).
q
Les ports touchés et les destinations du navire.
q
Les noms des prises qu'il aurait lui même
effectué avant d'être pris.
q
Les circonstances et les conditions dans
lesquelles la prise a été faite (en vue de régler des contestations éventuelles
entre 2 corsaires qui
voudraient s'adjuger la même prise).
q
Le capitaine accepte t'il de parapher les
documents qui ont été trouvés à son bord ? les conteste t'il ? (arrêt
du 26.10.1692)
etc...
Le capitaine est interrogé en premier puis
2 de ses principaux et S’ils contestent encore
la légalité de la prise, il faut en interroger d'autres sans oublier de
mentionner pourquoi de nouveaux interrogatoires sont nécessaires (ordonnance du
15.04.1689).
S’il y a des papiers trouvés en langue étrangère,
l'instruction du 16.08.1692 demande à ce qu'on les
fasse traduire. Les officiers de l'amirauté doivent aussi entendre le capitaine
preneur (ou le chef de la prise, et 2
hommes de son équipage. En cas de rançonnement, la procédure est la même mais
s'applique à l'otage qui doit reconnaître (ou rejeter) la validité du billet de
rançon.
Cas particuliers
Prise amenée sans prisonnier ni papiers
Ce cas, rarissime à la fin du XVIIIe siècle, arrivait
relativement couramment au XVIe siècle du fait de la cruauté bien
plus grande des corsaires de l'époque. L'ordonnance d'août 1681 admet donc qu'une telle éventualité
puisse encore se présenter et il est bien évident qu'alors, les corsaires
seraient fortement suspectés d'avoir tuer l'équipage de leur prise et d'avoir
fait disparaître les papiers. Une enquête et un interrogatoire sérieux de tout
l'équipage s'impose donc afin de déterminer le vrai du faux.
Cas où le propriétaire de la prise est inconnu
S’il est impossible de savoir à qui appartient la prise
malgré l'étude des papiers et les dépositions de l'équipage pris, l'ordonnance
d'août 1681 nous dit que la prise doit
être inventoriée et rangée et que le propriétaire a un an et un jour pour se
déclarer. Après ce délai, la prise est traitée comme une épave c'est à dire
qu'elle sera versée au bénéfice du Roi, de l'armateur et de l'amiral. Un tel
cas de figure peut se présenter si un corsaire trouve en pleine mer un navire
abandonné qui est alors une bonne prise tant que l'on ignore de quel pavillon
il est. Il est à noter que la prise d'un navire abandonné en pleine mer est le
seul cas ou un navire non armé en course peut légalement faire valoir ses
droits sur une prise.
Déchargement provisoire des effets d’une prise
Les marchandises d'une prise ne peuvent être déchargés que si
la prise a été déclarée bonne après jugement, mais dans certains cas
(marchandises périssables, mouillures...), on est obligé de le faire et l'on
procède alors comme indiqué au paragraphe sur la procédure déchargement,
gardiennage... En fait, la pratique veut que même avant jugement d'une prise
qui parait incontestablement bonne, le déchargement et même la vente sont
tolérés.
De toute façon, que le déchargement se fasse avant ou après
le jugement, doivent être présents: le capitaine pris et les commis de la ferme
(arrêts du 02.07.1697
et du 04.08.1744).
L'inventaire des marchandises déchargées est une chose obligatoire depuis
1400. Les
effets ainsi déchargés sont rangés dans un magasin fermé par
2 clés différentes (3 clés avant l'arrêt du
15.03.1757).
Vente provisoire des prises
L'ordonnance d'août
1681 dit
qu'une vente de marchandise avant jugement de la prise ne peut concerner que
les effets avariés ou périssables et ne peut se faire qu'à la demande des
partis intéressés (l'armateur du corsaire, le capitaine preneur, le capitaine
de la prise ou les réclamateurs) et après examen des experts qui doivent
confirmer la nécessité de la vente (instruction du
16.08.1692).
Cette vente forcée doit se faire suivant la même procédure que pour une vente
normale de prise après jugement c'est à dire en respectant les points suivants:
q
3
affichages et 3 proclamations
de 3 Jours en
3 jours doivent précéder la vente.
q
La vente doit se faire en présence du procureur
du Roi.
q
La vente doit se faire en public au plus offrant
et dernier enchérisseur.
Comme indiqué dans le paragraphe précèdent, la vente avant
jugement d'une prise incontestablement bonne est tolérée à condition qu'aucun réclamateur
ne s'y opposent. Cela est même autorisé officiellement depuis les lettres des
21.03.1696,
14.01.1703
relatives au règlement du 09.03.1695, lui même confirmé par
ceux des 03.09.1733
et 24.04.1744.
La présence du capitaine pris et des reclamateurs à la vente n'est obligatoire
que si cette vente se fait avant jugement car après, ils n'on plus rien à dire.
Par contre, les commis des fermes du Roi doivent y assister dans les
2 cas. C'est ce que dit l'arrêt du
07.08.1744
et celui du 15.03.1757.
La vente se fait généralement dans le magasin où sont entreposées les
marchandises après visite libre pour le public. Le partage des lots doit se
faire de telle sorte que la vente rapporte un maximum d'argent. Cette procédure
est décrite par une lettre du 26.02.1696. Quand la vente devait
être considérable, le procureur du Roi en faisait une liste qu'il dispatchait
dans les amirautés voisines pour attirer le plus de monde possible. C'est ce
que disait les lettres du 09.06.1696,
21.03.1705,
et 18.11.1746,
mais en fait, depuis pas mal de temps déjà, c'est l'armateur du preneur qui
s'occupe de la publicité de la vente, le procureur du Roi ne s'occupant que des
ventes des prises faites par les vaisseaux du Roi.
Le procureur peut au cours d'une vente retirer un lot qui
n'est pas adjugé à sa juste valeur (lettre du
26.02.1696). Dans le
cas d'une prise faite par un vaisseau du Roi, c'est le contrôleur de la marine
qui occupe le rôle de procureur (ordonnance du
25.08.1674 et de
1689) et
il n'est pas douteux qu'il est moins libre de ses mouvements pour retirer un
lot car il s'agit alors des biens du Roi.
L'ordonnance du 23.02.1674 et de
1689
précisait d'autre part que l'amirauté devait communiquer à l'intendant et au
contrôleur de la marine les procédures des prises faites par les vaisseaux du Roi
mais en fait, dans la pratique, l'envoie de ces procédures se fait au
secrétaire général de la marine comme pour les prises faites par les corsaires.
L'argent récolté après une vente provisionnelle est généralement remis au
greffe de l'amirauté ou à l'armateur du corsaire (si les parties adverses ne
s'y opposent pas) qui en ont la garde jusqu'au jugement. Enfin, il est
strictement interdit aux officiers de l'amirauté de se rendre acquéreur d'un
lot provenant d'une prise sous peine de
1.500
livres d'amende et d'interdiction de leur charge (ordonnance
d'août 1681).
La procédure antérieure au jugement est maintenant terminée
et ne peut se poursuivre au delà de la vente provisoire des prises (qui n’a
rien d’une obligation). Le dossier est désormais complet et il reste à
l’envoyer au conseil des prises pour le jugement en première instance. C’est ce
que l’on va voir dans le chapitre suivant : « Où juger les prises ».